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Saint Vincent de Paul, apôtre de la miséricorde


En chemin vers la Toussaint, suivons Saint Vincent de Paul à travers le patrimoine des Yvelines. A la suite de saint Vincent de Paul qui a fait œuvres de miséricorde, soyons des apôtres de la charité !

St Vincent à St Germain de Villepreux

“Il faut savoir fleurir où Dieu nous a semés”

Ses débuts :

On l’a surnommé le plus grand saint du XVIIéme siècle.

Né à Pouy dans les Landes en 1581, le jeune Vincent est ambitieux, une fois ordonné prêtre, il monte à Paris pour faire carrière.

C’est paradoxalement au contact des grands du royaume comme Marguerite de Valois ou Anne d’Autriche qu’il prend conscience de la détresse du peuple chrétien, surtout dans les campagnes. Les guerres de religion ont ruiné la France et ses campagnes, les églises sont endommagées ou détruites, les fidèles sont déchirés entre catholiques et protestants, la foi est masquée par les abus dans l’Église.
Le Concile réuni de 1545 à 1563 à Trente en Italie a pris de grandes décisions pour imposer une “contre réforme ” à l’Église catholique. Celle-ci n’a pas encore pénétré dans la France gallicane où le Clergé demeure très attaché à son indépendance.

Tableau de l’église saint Germain d’Auxerre à Villepreux, saint Vincent y prêcha une mission et y fonde en 1618 sa seconde maison de charité. On voit à ses pieds les chaînes ouvertes des galériens.

Un nouvel ordre pour répondre à la misère

C’est dans ce contexte de misère spirituelle que le cardinal de Bérulle, prenant conscience de l’éminente dignité du sacerdoce conférée aux prêtres, fonde une compagnie de prêtres : l’Oratoire. Ces prêtres oratoriens se mettent au service des évêques afin de redonner une vie spirituelle aux curés et aux fidèles. Bérulle est suivi par Vincent de Paul qui pour évangéliser et servir les plus pauvres et les plus abandonnés, fonde la Congrégation de la Mission -ordre des lazaristes- et la Congrégation des filles de la Charité en 1633.
L’humilité de Vincent prend sa source dans la vision qu’il a de la personne humaine centrée sur le Christ et son évangile, elle lui ouvre toutes les portes, en particulier celle des grands du royaume.

Gondi et sa femme

Une famille influente

Vincent sera comme ‘semé’ une seconde fois quand, recommandé par le Cardinal de Bérulle, il fait son entrée chez la famille de Gondi. Cette famille d’origine florentine, de banquiers et de diplomates s’est établie en France à la suite de Catherine de Médicis au XVIème siècle. Des hauts dignitaires ecclésiastiques sont issus de cette prestigieuse famille : le cardinal de Retz, deux abbesses du monastère royal de Poissy, ainsi que le Maréchal de Retz, Albert de Gondi qui devenu veuf, renonça à ses charges et entra à l’Oratoire. Vincent devient donc le précepteur des enfants de Philippe-Emmanuel et Marguerite Françoise de Gondi.

Philippe-Emmanuel de Gondi et sa femme Marguerite de Silly, détail de la prédication de saint Vincent de Paul par Jean Restout, 1739, église Notre Dame, Versailles.

La confiance et l’estime s’établissent très vite entre eux. On peut affirmer que l’ampleur et la fécondité des œuvres de St Vincent de Paarmes famille Gondi sur porte Baillyul en France et dans l’Eglise trouvent leur source dans cette amitié.
En effet la plupart des terres appartenant aux Gondi seront des terres de missions pour Vincent, missions par lesquelles il va faire pénétrer la contre- réforme en France qui transformera profondément le paysage religieux.
D’abord dans l’Eure puis en 1618 à Villepreux dans les Yvelines se déploie la première grande mission et se crée la première confrérie de la Charité. La confrérie de la Charité, prolongement de la mission a vocation à ancrer celle-ci dans la vie quotidienne. Il s’agit d’aller porter l’Evangile aux champs.

L’église de Bailly se trouvait sur les terres des Gondi, on peut encore voir les armes de la famille coiffées d’un chapeau cardinalice sur la serrure de la porte latérale.

Une mission sur deux piliers

La mission dure environ deux mois et s’effectue après un appel de l’évêque et avec le consentement du curé, elle s’adapte au rythme de vie des paysans. Prédications, catéchisme, confessions, pardons des offenses et visites aux malades se succèdent.
Pour Vincent, la mission s’appuyait sur deux piliers : les soins apportés au peuple des campagnes mais aussi l’instruction et la croissance spirituelle des prêtres.
Jusqu’en 1621, Vincent voue son action aux campagnes, mais touché par la misère qui sévit à Mâcon, il y établit une confrérie de la Charité. Cette expérience sera le prélude à la multiplication des activités charitables que Vincent mènera bientôt à l’échelle de la France entière.

facade Villepreux St vincent

 

Sur la façade de l’église saint Vincent de Paul à Villepreux construite en 1966, l’artiste Robert Lesbounit a rappelé les grandes dates de sa vie. Il associe la fondation des filles de la charité et la représentation de la source de toute charité : le Christ à la fois les bras en croix, et en gloire sur le trône. Entouré de st Jean et Marie, comme au Golgotha, avec à ses pieds Maria Madeleine en larmes.
Sur le vêtement de Jésus, un motif qui rappelle une source jaillissante, une eau vive, comme promis à la samaritaine. Qu’est-ce que cette eau si ce n’est la vie même de Dieu, un Amour débordant, celui que saint Vincent met en œuvre.

 autre facade

 

 

 

 Vincent, aumônier des galériens

Philippe-Emmanuel de Gondi est général des galères du roi depuis 1598. La chiourme, c’est-à-dire les rameurs, est composée d’hommes libres volontaires mais aussi d’esclaves prisonniers de guerre, les condamnés à mort, les mendiants, les vagabonds, les voleurs…Etre condamné aux galères, c’était être destiné à des conditions de vie épouvantables en mer comme à terre.
En proie aux efforts énormes pour que se meuvent ces vaisseaux de guerre, au soleil écrasant, à la pluie et au vent, aux maladies, à la malnutrition, ces « damnés de la mer » vivaient comme du bétail. A terre leur situation était presque pire : les condamnés à perpétuité étaient considérés comme morts aux yeux de la société. Enchaînés, soumis aux brimades, sans espoir, la mort les attendait souvent à brève échéance.

C’est vers 1618, qu’ayant la volonté de « tout donner aux pauvres », Vincent se rend pour la première fois à la Conciergerie à Paris. C’est là que les forçats attendent leur départ pour Marseille. Vincent est frappé d’horreur : cachots humides et sales où les prisonniers rongés par la vermine et la maladie, abandonnés de tous, passent des heures interminables. Les prisons dépendent du procureur général Molé, mais c’est appuyé par Pierre-Emmanuel de Gondi que Vincent les « larmes aux yeux »supplie Mathieu Molé d’améliorer le sort des forçats. Celui-ci accepte et bientôt les forçats sont regroupés dans une vaste maison et leurs conditions de détentions sont adoucies grâce aux soins des fidèles de l’église saint Roch. Vincent passe des heures à leurs côtés. Touchés par tant de dévouement, des prisonniers qui ne vivaient que dans la haine et l’esprit de vengeance, demandent à se confesser, à communier. Par l’intermédiaire des Gondi et grâce à leurs réseaux, Vincent a les moyens matériels d’agir pour longtemps.

Et c’est l’année suivante que le roi créera la charge et le nommera aumônier général des galères. Cette charge, Vincent allait la garder toute sa vie et les siens prendront le relais.

tableau de Restout

Fin de vie

Vincent s’éteint en 1660. Entre 1628 et 1660, près de 1000 missions ont été menées, 20000 retraitants ont été hébergés, près de 10000 enfants ont été sauvés, des centaines de milliers de pauvres ont été secourus. Après sa mort, les siens « maintiendront ».
Canonisé en 1737, il est déclaré par le pape Léon XIII en 1885 « patron universel de toutes les institutions catholiques de charité qui tirent de lui son origine ». Comment ne pas penser à Frédéric Ozanam, béatifié en 1997 qui, créera les conférences Saint Vincent de Paul, assisté de sœur Rosalie Rendu, fille de la Charité, très aimée dans les quartiers pauvres de la capitale. Aujourd’hui la société St Vincent de Paul, reconnue d’utilité publique, vit de dons et se voue à l’aide des personnes seules et démunies dans le cadre d’une « charité de proximité ».

Toile de Jean Restout, 1739, commandée à l’occasion de la canonisation de saint Vincent de Paul pour l’église Notre Dame de Versailles desservie par les Lazaristes jusqu’à la Révolution.

Et après ?

Fécondité immense et en particulier à Versailles : En 1675, 3 sœurs de la charité s’installent dans la ville royale, elles soignent les ouvriers blessés ou malades travaillant à la construction du château. Puis une communauté s’établit rue de la Paroisse pour s’occuper des malades pauvres et des petites filles indigentes.
Après les aléas de la Révolution, en 1825, une école, confiée aux Filles de la Charité est ouverte dans l’actuelle rue Carnot. Chassées en 1866, elles s’installent au 44 avenue de st Cloud. Pendant plus de 300 ans, les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul se sont mises au service des plus pauvres et des plus jeunes. Elles ont semé en toute discrétion l’entraide, l’éducation et l’évangile vécu. Aujourd’hui, des chrétiens continuent ce qu’elles ont enraciné, dans le lycée professionnel saint Vincent de Paul et dans le dispensaire de l’avenue de Saint-Cloud.

Statue St Vincent Henri VernhesAu-delà de la fécondité de Vincent dans l’Eglise, on peut observer sa postérité dans les institutions et au sein de la société. En France, l’assistance publique et le SAMU social en sont les signes visibles.

Gaston Parturier a mis en évidence la variété de la palette médicale dont a usé Vincent de Paul : médecin de toutes les pauvretés, « Vincent s’est surtout illustré comme médecin social, d’une inspiration avant tout spirituelle. »
Marie-Joëlle Guillaume souligne quant à elle que « Depuis trois siècles et demi, se lit derrière l’image de la France, le visage de Monsieur Vincent », de cette France pour qui « le désir de soigner, la conscience d’avoir à le faire, l’idée que toute personne faible mérite que l’on s’occupe d’elle, qu’il y a un devoir social à ne pas s’accommoder de la misère, qu’on peut toujours s’organiser, et que dans les pires calamités, rien n’est impossible ».

En chemin vers la Toussaint et à la suite de saint Vincent de Paul qui a fait œuvres de miséricorde, soyons des apôtres de la charité !

Statue réalisée par Henri Vernhes pour l’église paroissiale de Bailly.
Les mains ouvertes et la tête un peu penché, saint Vincent a l’air doux et attentif, les grandes mains offertes de celui qui se met à la disposition du Seigneur pour accomplir son œuvre.
Le sculpteur a dégagé le bois avec simplicité et poésie pour nous donner à contempler l’essence du saint : sa disponibilité à l’Esprit et son humilité.

Sabine de Maupeou
Iconographie : Nathalie Lockhart et Bernard de Salaberry

BIBLIOGRAPHIE
Gaston PARTURIER, La Vocation médicale de Saint Vincent de Paul, Lyon, Ed.Cartier, 1948
Marie-Joelle GUILLAUME, Vincent de Paul, Un saint au Grand Siècle, Perrin, 2015