Les deux saint-Antoine, tout un programme de sainteté !
Prière et combat spirituel, annonce joyeuse de l’Evangile, humilité, pauvreté et service sont donnés à voir au fidèle dans l’église saint-Antoine au Chesnay
Les vitraux et statues de l’église saint-Antoine au Chesnay
L’actuelle église saint Antoine lui est consacrée suite à une mission envoyée par le pape Léon XIII afin de développer le culte de saint Antoine de Padoue en France. Ce saint très populaire est connu pour ses nombreux miracles. L’histoire raconte que le porte-à-porte se révélant infructueux, l’abbé en charge du projet, s’en remit avec confiance à saint Antoine et les dons affluèrent miraculeusement. Les bas-côtés de l’église couverts d’ex-voto témoignent des prières exaucées par l’intercession du saint.
L’architecte choisit d’édifier l’église dans le style néo-gothique, de l’époque de saint Antoine de Padoue qui vécut au XIIIe siècle, avec des piliers massifs et des vitraux historiés. Créés entre 1906 et 1910 par les ateliers Lorin de Chartres, ils forment un ensemble exceptionnel aux couleurs subtiles et éclatantes, et présentent des scènes de la vie du saint avec un encadrement de fleurs, dans le goût art nouveau du début du XXe siècle.
Saint Antoine le grand
Saint Antoine est déjà le nom de ce quartier car une petite église lui était dédiée à proximité de l’actuelle porte Saint- Antoine, mais il s’agissait de saint Antoine du désert appelé aussi saint Antoine le grand ou saint Antoine l’ermite
Deux vitraux de la chapelle du fond de l’église racontent sa vie. Né en 251 en Haute- Égypte, il fut touché par l’Evangile : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel : viens et suis-moi ! » (Mt 19, 21). Antoine, alors jeune homme et orphelin, distribue ses biens aux pauvres avant de se retirer dans la solitude du désert. Il retourne à Alexandrie lors de persécutions, encourageant ses frères et désirant être lui aussi martyr c’est-à-dire témoin du Christ, mais le Seigneur avait d’autres projets.
A la fin des persécutions, beaucoup eurent ainsi le désir de suivre le Christ dans une voie d’ascèse radicale, ces pères du désert et saint Antoine en particulier sont considérés comme les fondateurs du monachisme.
La Légende dorée[i] s’inspirant de la Vie d’Antoine de saint Athanase[ii] relate les nombreux combats du saint contre les démons ; ces tentations de saint Antoine ont eu une grande postérité dans l’iconographie chrétienne.
Vers l’an 340 saint Antoine rencontre saint Paul ermite. Celui-ci avait formé le vœu de ne plus voir aucun homme, mais saint Jérôme raconte que, cédant à la demande insistante d’Antoine, les deux ermites tombèrent dans les bras l’un de l’autre, se saluant mutuellement par leur nom, s’entretenant des choses de Dieu, pendant qu’un corbeau apportait leur nourriture.
Le culte de saint Antoine s’est développé en Occident à partir de l’arrivée de reliques rapportées de Terre sainte en 1170 par un seigneur du Dauphiné à la Motte-Saint-Didier (actuel diocèse de Grenoble). L’intercession du saint avait permis la guérison d’une sorte de fièvre qui sévissait cruellement, appelée ergotisme, puis feu de saint Antoine. Son culte devint alors très populaire et au XIIIe siècle fut bâtie l’abbaye mère de l’ordre hospitalier de saint Antoine, ou Antonins, chargé d’accueillir ces malades.
Proche des vitraux se trouve une statue représentant le saint avec un cochon à ses pieds. Cette tradition iconographique date de la fin du XIVe siècle. Si le cochon n’a rien à voir avec la vie du saint, il est lié aux Antonins œuvrant pour les malades du feu de saint Antoine : en reconnaissance, alors que les porcs n’avaient pas le droit d’errer librement dans les rues, ceux des Antonins pouvaient se nourrir en fouillant les ordures dans les rues des villages. Le saint est représenté très âgé car il est mort à 105 ans. Autant la vie de saint Antoine le grand fut longue autant celle de saint Antoine de Padoue fut brève.
Saint Antoine de Padoue
Le saint patron de l’église est mis ici à l’honneur de manière spectaculaire : il est représenté configuré au Christ sur le tympan, sa vie jalonnée de nombreux miracles est narrée le long de la nef, et dans l’axe du chœur il monte au ciel dans la gloire !
Ce programme iconographique reflète combien la dévotion aux saints en général et à saint Antoine en particulier ici était vivante en cette fin du XIXe siècle.
Né à Lisbonne en 1195 et baptisé Ferdinand, il entre d’abord chez les chanoines réguliers de saint Augustin vers l’âge de quinze ans où il reste pendant 8 années, y recevant une solide formation biblique et théologique.
En 1220, il rencontre les frères mineurs ainsi que l’on appelait alors les franciscains et apprend que certains sont morts martyrs au Maroc en témoignant du Christ, il rejoint cet ordre et désire à son tour donner sa vie pour annoncer le Sauveur. Il part alors en Afrique pour y être témoin de l’amour de Dieu mais ses projets sont contrecarrés car il tombe malade et doit rebrousser chemin.
A son retour en Italie, il rencontre saint François et est envoyé près de Forli où il se consacre à la prière, aux pauvres et aux malades. C’est en 1222, lors des ordinations sacerdotales, qu’il est amené à prêcher. A cette occasion se révèle un extraordinaire talent de prédicateur qui pourtant n’entamera jamais sa grande humilité.
Il est alors envoyé fonder des maisons de son ordre en France et combattre l’hérésie des albigeois. Ici est raconté le miracle de la mule qui sert de prédication sur la présence réelle du Seigneur dans l’hostie consacrée :
Alors qu’un incrédule a accepté d’affamer sa mule pour montrer qu’un animal, pourtant créature de Dieu, ne saurait résister au foin, saint Antoine apporte Le Saint-Sacrement et dit
« En vertu et au nom du Créateur, que moi, pour autant que j’en sois indigne, je tiens vraiment entre les mains, je te dis ô animal et je t’ordonne de t’en approcher prestement avec humilité afin de lui prêter la vénération due, afin que les hérétiques apprennent clairement de ce geste que chaque créature est sujette de son Créateur »
Une autre histoire aux accents très franciscains raconte la prédication aux poissons :
« Alors que plusieurs personnes se moquaient de ses prêches, le saint se rendit au bord d’un rivière et dit :
« Étant donné que vous démontrez être indignes de la parole de Dieu, voilà, je m’adresse aux poissons pour confondre plus ouvertement votre incrédulité. Avec ferveur il s’adressa aux poissons énumérant les dons accordés par Dieu. »
A ces mots, les poissons se rassemblèrent et le regardèrent la bouche ouverte. Celui qui avait rendu les oiseaux attentifs à la prédication du très saint père François, réunit les poissons et les rendit attentifs à la prédication de son fils Antoine[iii]. »
Aujourd’hui placé à droite du chœur, une imposante statue du saint en marbre de Carrare nous le montre selon l’iconographie devenue traditionnelle, toujours jeune, tenant les lys symboles de pureté, le livre et l’Enfant Jésus, le Verbe incarné, qui indique le Ciel de son petit doigt levé.
Cette iconographie vient aussi d’une vision de la Vierge Marie lui remettant l’enfant, et de l’histoire suivante :
« Peu de temps avant sa mort, frère Antoine avait obtenu de se retirer dans un lieu que le comte Tiso avait donné aux frères franciscains, tout près de son château. Un soir, le comte croit voir à l’intérieur de la cellule de frère Antoine une intense lumière. Poussant légèrement la porte, il vit le frère Antoine avec l’Enfant Jésus dans ses bras dont le visage resplendit de lumière et qui le comble de caresses. L’extase terminée, le saint lui demande de ne parler à personne de cette apparition. Et le comte ne révéla qu’après la mort du saint, la vision dont il avait été témoin. »[iv].
Dès son vivant, Antoine est reconnu comme érudit et capable d’enseigner l’Ecriture : au cours de l’été de cette année 1230, il reçoit de ses supérieurs la mission de se rendre à Rome pour demander au Pape de trancher un débat ouvert à l’intérieur de l’Ordre au sujet de la pratique de la pauvreté. À cette occasion, Frère Antoine est amené à prêcher devant le Saint-Père, qui, admirant sa connaissance de l’Écriture, s’écrie : « On l’appellera l’Arche du Testament et le divin dépositaire des Saintes Écritures. »
Antoine était malade et affaibli, il meurt en Italie à 36 ans en juin 1231. Les miracles, déjà nombreux de son vivant, se multiplient et la ferveur populaire s’accroît de jour en jour, au point que l’évêque et les autorités civiles de Padoue décident d’envoyer une délégation pour demander au Pape la canonisation du Frère Antoine. Le 30 mai 1232, soit un an seulement après sa mort, Grégoire IX proclame la sainteté d’Antoine de Padoue.
Si les fioretti de sa vie ont un air de merveilleux, saint Antoine de Padoue est aussi un modèle d’humilité, d’écoute attentive de l’Ecriture et d’amour des pauvres. En 1946, Pie XII proclama Antoine Docteur de l’Église, lui attribuant le titre de “Docteur évangélique”, car « de ces écrits émanent la fraîcheur et la beauté de l’Évangile. ».
Puissions-nous à sa suite être saisis par l’Evangile !
Nathalie Lockhart
[i] La légende dorée, racontée par le dominicain Jacques de Voragines au XIIIe siècle, consultable sur wikisource/la légende dorée/ saint Antoine
[ii] Les curieux pourront lire avec intérêt la vie de saint Antoine par Athanase sur :
[iii] Rigaldina 9, 24-28, ou écrits de Jean Rigauld, biographe de saint Antoine à la fin du XIIIe siècle, dont on peut lire la traduction sur gallica : https://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bpt6k62254784/f61.item
[iv] pour les principaux miracles, voir le site des franciscains de Padoue : http://www.santantonio.org/fr