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Echos des rencontres de l’aumônerie catholique de la Maison d’Arrêt de Bois d’Arcy


Tous les vendredis après-midi dix à quinze détenus d’origines très diverses et deux aumôniers (catholiques et occasionnellement protestants) de la Maison d’Arrêt de Bois d’Arcy se retrouvent pour partager leur prière et leur vie à la lumière de la Parole de Dieu. Écoutons ce qu’ils en disent…

Nous arrivons, groupés ou échelonnés au gré des appels et des blocages, voire des embouteillages ! La participation est proposée à tout arrivant à Bois d’Arcy, qui doit ensuite s’inscrire pour cette activité. Ces détenus, en attente de jugement ou d’appel ou de transfert, sont donc avec nous par choix… Une bouffée d’oxygène alors que la densité carcérale atteint régulièrement deux fois le maximum autorisé,  que se côtoient petits délinquants et criminels, voire des innocents,  et que l’attente sans savoir le terme de sa détention est le lot commun ?

Exister parce qu’invité

  • Qu’est-ce qui vous a amené à venir à la rencontre d’aumônerie ?

♦ J’y ai été invité par un aumônier, suite à une visite en cellule, qui pensait que ça pouvait me faire du bien.

♦ Moi c’est un codétenu que j’aime bien qui me l’a proposé en me disant que ça lui faisait du bien, qu’on s’écoutait et qu’on pouvait parler librement. Et puis ça me touche ces gens de l’extérieur qui viennent nous voir : on compte pour quelqu’un, on n’est pas complètement effacés de la société, alors qu’ici on pourrait le croire… Alors je suis venu, et je suis resté.

Et nous aussi aumôniers, par amitié, nous avons été invités à célébrer, animer et partager, ici en détention ; on nous a dit « viens et vois » et nous sommes restés.

 Oser sortir pour rencontrer

  • Cela demande-t-il un effort de sortir de sa cellule pour venir ici ?

♦ Ici j’ai peur des autres, il y a de l’agressivité, parfois beaucoup, les gens sont à cran ! Alors, j’essaie de ne pas trop me mélanger ; alors oui, ça demande un effort, mais d’un autre côté, c’est vital de ne pas s’enfermer.

♦ En cellule, on ne choisit pas ses codétenus : parfois c’est super, parfois c’est l’enfer. Sortir de ma cellule, c’est aussi changer mon moral.

♦ Je viens pour rencontrer des gens et chercher du courage ; et puis parce qu’il y a une bonne entente !

♦ J’ai trouvé une vraie communauté pour partager : j’ai senti que je trouvais là quelque chose qui me manquait avant la prison, comme un retour à la source, à Dieu.

♦ Cela solidifie ma présence ce partage, tout simplement, et c’est pour ça que je reviens.

♦ Dans ce groupe je me sens vraiment humain. C’est l’occasion de guérir ici, on est accepté comme on est. C’est différent du reste de la prison, on n’est plus seul, on s’écoute, on ne juge pas on est là pour avancer.

♦ Je renais grâce à l’aumônerie. Maintenant, j’ose la proposer à d’autres.

Et nous aussi aumôniers, il nous a fallu sortir de nos idées toutes faites sur la prison et sur les détenus, sortir de nos peurs de ne pas être à la hauteur, pour être prêts nous aussi à la rencontre… et nous sommes revenus.

Et il y a Dieu aussi…

  • Quand vous êtes venus, vous recherchiez Dieu, un sens à votre vie ?

♦ J’ai grandi avec un trou, et je n’ai jamais compris quoi ; ma vie antérieure avec un père antichrétien qui disait que l’Eglise est une drogue, ça fait que j’ai grandi loin du Seigneur avec un manque. Alors la visite des aumôniers, ça a fait le déclic. Le soutien fraternel, le partage des textes comme le bon larron… si lui peut être sauvé pourquoi pas moi ?

♦ Déjà lors de ma 1ère peine à  Fleury, j’allais à l’aumônerie ; dehors pas le temps de pratiquer, de se poser, alors ça va dans le mur si on fait les mauvaises rencontres. Ici, le temps, ce n’est pas ça qui manque ! Alors on découvre qu’on trouve vraiment du réconfort dans la parole de Dieu.

♦ Dehors on est pris par le tourbillon de la vie : on ne se rend plus compte de ce qui est vital.

♦ Aujourd’hui, c’est drôle, je peux presque dire que cette halte en détention est une bénédiction, elle m’a rapproché de Dieu, Il me tient debout.

♦ C’est important de revenir vers Dieu, de prendre le temps de réfléchir. Tout seul on n’y arrive pas.

♦ Je ne m’y attendais pas, mais ça m’a donné le goût de la Parole et elle m’a parlé au cœur.

Et nous aussi aumôniers, nous découvrons concrètement combien Dieu est présent dans le cœur de chaque homme ici en détention, ce qu’Il fait bouger ce qu’Il suscite, c’est vraiment une source d’émerveillement !

 Et des frères en Dieu ?

  • Est-ce qu’on pourrait parler de fraternité entre vous dans ces rencontres d’aumônerie ?

♦ A ça oui ! ça apaise, on ne se connait pas et pourtant on devient frères en cherchant Dieu ensemble.

♦ L’échange, l’ambiance est agréable, il y a du respect entre nous même quand on n’est pas d’accord !

♦ Il y a une relation de confiance, on sait qu’on peut se confier et on se porte les uns les autres.

♦ On pense à moi, quelqu’un pense à moi, je ramène ça en cellule, ça me fait tenir. Chacun apporte son point de vue, ça aide à avancer.

♦ On ose poser ses questions : sur l’Eglise catholique (pourquoi catholique, d’où ça vient), sur notre différence de croyance par rapport aux musulmans, ça nous aide à mieux comprendre et vivre les différences ici.

♦ Ça nous a donné la force et la confiance et l’amitié pour faire des choses, pour proposer des choses… là on se sent vraiment humain on peut choisir de vivre dignement, ce n’est plus seulement pour les autres dehors.

  • Chacun dans sa cellule mais ensemble on a prié le chapelet pendant le carême, en pensant aux uns et aux autres, en se reposant sur la parole de Dieu. Même si cela n’a pas été  toujours été facile, ni en même temps à cause du bruit
  • ensemble on a cantiné pour les Restos du Cœurs : même quand on n’a rien et même qu’on n’est plus rien pour la société, on peut encore donner et se tourner vers Dieu et vers les autres
  • ensemble on a aussi décidé de faire l’effort de sourire et parler bien aux surveillants ; d’accord il y en a avec qui ce n’est pas facile, mais quand on est ouvert ça aide aussi le surveillant à être humain.

♦ Et puis les témoignages de ce que chacun a pu vivre en prison, de désespoir et de libération, par le partage et par la prière, ça donne envie d’aller plus loin. On se sent moins seul, on se porte les uns les autres par nos expériences, on peut partager ce qui nous enfonce, mais surtout ce qui nous fait du bien.

♦ Moi je me suis rendu compte que j’avais un rôle à jouer ici auprès des jeunes en leur disant combien la vie est précieuse ; il ne faut pas la gâcher pour des choses qui tuent la vie : la drogue, le vol, la méfiance, le pouvoir par la force ou la ruse… ici c’est l’occasion de peser ce qui est vraiment important, alors je le dis.

Et nous aussi aumôniers, nous pouvons témoigner de l’attention fraternelle qui existe dans ce groupe ! Attention à ceux qui ne vont pas bien, y compris nous, attention au monde qui est portée dans la prière et dans le changement du regard sur la détention et le monde. Vraiment cette fraternité nous porte au quotidien !

Et le partage de la Parole, ça nous fait tenir !

  • Est-ce qu’on pourrait revenir sur le partage de la Parole de Dieu, ce que cela vous apporte au fond, sur ce que vous y cherchez ?

♦ Je croyais que je connaissais la Bible mais il y a toujours des choses à découvrir, je suis intéressé par le point de vue des autres sur la Bible, je viens  parce qu’on peut s’exprimer et exprimer sa foi librement …

♦ La Parole partagée, ici c’est l’eau vive, qui commence ici et ne s’épuise pas, une Parole vivante, qui jaillit de l’intérieur et qui est plus vraie que moi-même, qui me remet debout ; elle nous prend par surprise dans la bouche des autres, on sait qu’elle est pour nous.

♦ Et puis, je suis touché par ces hommes, les disciples, appelés par leurs noms, imparfaits mais rassemblés pour prier et appelés à transmettre. Ca les rend vraiment proches de nous, pas inaccessibles ; ils sont un peu comme nous ici autour de la Parole.

♦ Ce qui me fait bouger,  ce qui me rend vivant, c’est d’avoir entendu le berger, Jésus qui prend soin de chacun, de moi, surtout quand ça va mal.

♦ Jésus est la porte, le berger, il peut entrer partout ;  entrer et sortir, c’est un point essentiel de la liberté humaine ; avec Jésus, même enfermé, on peut entrer et sortir ; on peut être libre en prison !

♦ Avec les béatitudes on a découvert qu’il fallait être en manque pour découvrir Dieu ; ici on est en manque de tout, ça n’empêche qu’on peut aussi passer à côté de Dieu… remplir le temps remplir le manque par des choses qui n’ont pas d’importance au lieu d’aller au fond du cœur. Mais c’est risqué : jusqu’où ça va nous mener ? ! Jésus nous dit « heureux les doux »…, c’est une invitation pour nous à être « heureux les patients »… patients avec nous-mêmes, patients avec les autres.

♦ La Parabole du bon samaritain nous a montré combien c’est à la fois pas facile de se faire proche, mais vital ! « Ici en prison, j’ai peur des autres, alors je me tiens à l’écart ; pourtant la Parole de Dieu me dit bien que je ne suis pas dans la vérité ». Et un autre de nous confier combien il avait vécu cette histoire de l’intérieur : « à l’isolement sans savoir pourquoi, un aumônier est venu me voir ; toute ma colère, sa rancœur est tombée d’elle même. Se faire proche, ça redonne vie. »

♦ La question centrale du pardon interpelle chacun régulièrement sous-entendu, « est-ce possible pour moi, aujourd’hui, d’être pardonné ? ». L’enfer c’est un peu comme la peur qui habite en moi, la fuite du mal qui est en moi, le refus de faire face à ce qu’on a fait, alors on reste coincés. Pourtant, Dieu nous appelle toujours à sortir et à vivre, et jusqu’au bout : en regardant les ouvriers de la 11ème heure, ou le bon larron , je sais que c’est aussi pour moi, même si parfois je doute. Et puis quand on a reçu l’amour de Dieu, on ne peut que se réjouir de ce qu’il soit donné à d’autres, quoiqu‘ils aient vécu, fait… ça aide aussi à être plus ouverts aux autres, ici.

Et nous aussi aumôniers, la Parole partagée nous bouscule ! Ces rencontres nous redisent à la fois l’urgence de l’annoncer en en vivant vraiment et la patience pour la voir à l’œuvre dans nos vies.

Ensembles, détenus et aumôniers, nous voulons dire merci pour tous ces échanges en vérité, simples et profonds. merci pour cette présence du Seigneur qui ensemble nous remet sans cesse chacun debout.