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Table-ronde : Après la CIASE, être témoins et acteurs pour une vie nouvelle dans l’Église ?


Chaque 3ème vendredi de carême, ou le dimanche le plus proche, les paroisses et diocèses de France sont désormais appelés à consacrer un temps particulier aux victimes de violences sexuelles et d’abus de pouvoir et de conscience dans l’Eglise. Le diocèse de Versailles a organisé dans ce cadre une soirée table-ronde à Versailles, le 27 mars 2025.

Faire mémoire de la souffrance des victimes

Deux intervenants ayant soigneusement écouté les victimes d’abus : Isabelle Le Bourgeois, psychanalyste, religieuse auxiliatrice et Joël Molinario, professeur émérite de théologie, à l’Institut catholique de Paris, membre de la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise) sont intervenus lors de cette soirée à ND du Grandchamp en présence de Mgr Luc Crepy.

Joël Molinario a parlé de son expérience à la CIASE

Qu’est-ce qui dans l’Eglise a permis ces abus ? Qu’est qui a rendu possible des dévoiements des sacrements, et des Ecritures ?
Pour lui, “Doctrine, Evangiles et sacrements ont été dévoyés au profit de justifications pédocriminelles. Il y a eu un détournement de l’Ecriture par les pédocriminels avec le silence, parfois même avec l’approbation de la hiérarchie ecclésiale. Le sacré a servi d’objet de manipulation. On peut prendre comme exemple le dévoiement d’une phrase de l’Évangile de Luc : « malheur par qui le scandale arrive » : on perçoit la perversion possible de la Parole/parole par celui qui a le pouvoir. Le silence n’est pas seulement le fait de l’agresseur, souvent la victime ne peut pas parler et ce silence commandé aux victimes et à leur famille est la première forme d’institutionnalisation de l’oubli. Or l’oubli c’est la menace de l’effacement ; c’est une mémoire empêchée, manipulée. La mémoire sélectionne de manière préservatrice et il y a des souvenirs avec lesquels il est impossible de vivre.
Alors quel chemin pour une vie nouvelle ? Il faut parvenir à changer de regard spirituel et culturel sur la Passion de Jésus et regarder le Christ ressuscité comme la victime qui a démasqué la violence originelle. “La Résurrection révèle aux apôtres que le Christ est la victime relevée par Dieu le Père. La Résurrection est la lumière des lumières, et c’est ce qui rend possible le mot espérance” explique Joël Molinario qui recommande aussi de prendre soin de la Bible, des sacrements et de l’accompagnement spirituel.

Isabelle Le Bourgeois, a présenté la psychanalyse comme un chemin de combat mais d’espérance pour ouvrir un avenir

L’agression, la violence sont irréparables mais on peut agir sur l’irréparé. C’est un chemin d’espérance. C’est un chemin d’espérance.L’irréparable : ce sont tous les crimes commis. La cruauté, la torture sont des mots qui disent la réalité du poids de ce qui a été vécu. On ne peut pas revenir dessus, ça ne se refait pas. Comment arriver à comprendre qu’il n’y a pas que ça ? C’est difficile d’assumer l’irréparable : le déni, le clivage, la personne est résistante. Faire la vérité sur soi est compliqué, quand la vérité n’est pas belle – que l’on soit agresseur ou victime. L’irréparable doit être nommé. La blessure est définitive mais les effets, dont l’irréparé, peuvent évoluer.  Il faut pouvoir dégager une parole personnelle qui va progressivement dire autre chose que « ma vie est foutue ». Il faut du temps et ne pas se réduire à l’identité de victime. Gardons en tête que parler c’est toujours de la souffrance, répéter trois à quatre fois son histoire, c’est le traumatisme qui revient à chaque fois. Il faut donc prendre soin de celui qui commence à parler, accueillir la parole, le cri car c’est essentiel d’être entendu et d’être cru.

“L’agresseur comme la victime sont des êtres humains” poursuit Isabelle Le Bourgeois. “Comment tenir ensemble ces deux parties de l’humanité, des agresseurs qui commettent et les victimes qui subissent ? Ce sont les questions du mal et du tragique qui traversent nos vies. Comment les reconnaître comme des humains aimés de Dieu, ayant une voix de salut ? Il faut écouter les agresseurs : ils minimisent toujours les choses, mais c’est très difficile de voir les choses en face ; c’est le propre de l’humain de se protéger. Il faut travailler ce système de défense qui peut être individuel ou collectif. Nous avons tous des possibilités de manipulation, nous sommes tous plus ou moins traversés par un moi victime et un moi agresseur. il y a une imperfection de fond qui nous traverse et il faut savoir reconnaître ses fragilités. La course à la perfection et à l’idéal a conduit des communautés religieuses à mettre leurs membres sous emprise. Cette exigence conduit à une perte d’humanité. De même le prêtre n’est pas le Christ, il porte une imperfection humaine.

“L’agresseur comme la victime sont des êtres humains” poursuit Isabelle Le Bourgeois. “Comment tenir ensemble ces deux parties de l’humanité, des agresseurs qui commettent et les victimes qui subissent ? Ce sont les questions du mal et du tragique qui traversent nos vies. Comment les reconnaître comme des humains aimés de Dieu, ayant une voix de salut ? Il faut écouter les agresseurs : ils minimisent toujours les choses, mais c’est très difficile de voir les choses en face ; c’est le propre de l’humain de se protéger. Il faut travailler ce système de défense qui peut être individuel ou collectif. Nous avons tous des possibilités de manipulation, nous sommes tous plus ou moins traversés par un moi victime et un moi agresseur. il y a une imperfection de fond qui nous traverse et faut savoir reconnaître ses fragilités. La course à la perfection et à l’idéal a conduit des communautés religieuses à mettre leurs membres sous emprise. De même le prêtre n’est pas le Christ, il porte une imperfection humaine. Cette exigence conduit à une perte d’humanité.

Quel chemin pour une vie nouvelle ?

Regarder le Christ, le Ressuscité irréparable : “l’homme est mis à mort sur une croix : c’est de l’irréparable, Il est mort. Puis Jésus ressuscité apparaît avec les mains et les pieds transpercés, il se présente avec les traces de sa Passion qui sont irréparables. Il est irréparable !” Mais peut-on dire qu’il est irréparé ? “Le Samedi-saint, entre la Passion et la Résurrection, il y a un temps essentiel de silence, de doute : « où est-il passé ? » Il est descendu aux enfers. Puis il est remonté avec tout ce qui est mort en nous, nos irréparables et nos irréparés. Nous aussi, nous pouvons revenir du séjour des morts car rien n’est jamais fichu, le Christ nous ramène avec lui et on ne peut pas tomber plus bas car il nous tient par la main. Dieu ne désespère jamais de nous. Il y a la descente aux enfers et la remontée : Jésus ne se retourne pas, il va devant vers la Vie.”

Anne Sudan

Un site internet dédié aux témoignages

Le 05 mars 2025, le site internet garder mémoire, a été lancé. Il a été créé conjointement par la Conférence des évêques de France (CEF) et la Conférence des religieux et religieuses de France (CORREF), pour conserver les témoignages des violences sexuelles commises dans un cadre ecclésial, rendre visible l’ensemble des actions mémorielles se déroulant dans les diocèses et les communautés religieuses, et permettre aux personnes victimes de laisser une trace de leur récit de vie.

Par ailleurs, les deux jours précédant l’Assemblée plénière de printemps des évêques de France à Lourdes, ont été consacrés à un point d’étape sur les actions entreprises et ce qu’il reste à faire pour lutter contre les violences sexuelles et les abus de pouvoir et de conscience dans l’Eglise. Une large place a été donnée à la parole de personnes victimes. Le 04 avril 2025, les évêques de France ont publié ce communiqué “Résolument, continuons à servir la vérité !”