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Servir le Christ en servant les plus pauvres


A l’occasion de la Journée mondiale des pauvres, le 14 novembre, Géraud Patris de Breuil, tout juste ordonné diacre en vue du sacerdoce, a accepté de nous confier le rôle qu’ont joué les plus pauvres dans sa vocation de futur prêtre.

Les pauvres m’ont édifié et ont nourri en moi le désir de les aimer et de les servir. A travers eux, c’est Dieu qui s’est révélé à moi (cf. Mt 25,40)

Géraud, vous êtes né et avez grandi à Versailles, dans une famille de six enfants aimante, croyante et pratiquante. Catéchisme, scoutisme, école privée… vous avez « coché toutes les cases » du parcours sans faute d’un jeune catholique dans un environnement aisé ; comment êtes-vous venus aux pauvres ?

Géraud Patris de Breuil : Même pour un jeune versaillais, faire le pari de s’engager au service de l’Eglise – cette institution pas toujours bien vue par notre société – tout en renonçant à se marier et à fonder une famille… cela n’est pas un projet très « vendeur » ! Mais moi je suis sûr d’avoir fait le bon choix en misant tout sur Dieu.
Après trois ans au séminaire de Versailles, mon évêque, Mgr Aumonier à l’époque, m’a proposé de partir un an en Bretagne au Village St Joseph, association créée il y a 25 ans dans les Côtes d’Armor. L’idée était que je puisse sortir du « cocon versaillais » en me mettant au service d’une population que j’avais peu côtoyée jusqu’ici. J’ai donc passé une année comme bénévole auprès d’une trentaine de frères et sœurs qui avaient tous comme point commun d’être marqués par de réelles pauvretés ou handicaps  psychiques, tous animés d’un vrai désir de s’en sortir. Ainsi, j’ai eu la grâce de vivre avec des personnes sortant d’addictions, sortant de prison, de dépression, de burn-out… L’intuition du Village St Joseph est de redonner confiance à ces personnes, de les aider à se ‘structurer’ et à repartir dans la vie civile en prenant en compte leurs fragilités.

Cette année a été fondatrice et vous a permis d’approfondir votre vocation.

Oui, à travers la rencontre des plus fragiles, des laissés pour compte, Dieu a façonné mon cœur. Je me suis dit : « le Christ a donné sa vie pour chacun d’entre nous, mais que faisons-nous de ces frères et sœurs ‘en marge’ » ? Puis j’ai eu un déclic lors du premier confinement, au printemps 2020. J’étais alors en apostolat le week-end dans la paroisse de Trappes. J’ai eu l’impression que nous  n’avions pas été confinés seulement physiquement, nous avions aussi confiné nos cœurs et laissé de nombreuses familles dans la solitude, la détresse morale. J’ai pris la résolution en juillet 2020 de mettre, à la rentrée suivante, mon temps libre au service de ceux qui ne font pas forcément beaucoup de bruit mais qui sont là, dont il faut s’occuper.

Les plus proches qui avaient besoin d’aide étaient alors pour vous les enfants des familles de demandeurs d’asile, accueillies au Pavillon Bleu, un hôtel social de Trappes.

Le premier confinement a été terrible pour ces 70 familles de toutes nationalités entassées à plusieurs par chambre, sans pouvoir sortir. Alors avec l’équipe locale du Secours Catholique, nous avons décidé de nous occuper des enfants tous les samedis. J’ai motivé des jeunes bénévoles, dont des scouts des environs, qui se sont relayés. Je suis parfois un peu gêné devant les personnes qui se plaignent que nos cités s’embrasent … quand on leur demande ce qu’ils font, eux, pour que ça aille mieux, leur seule réponse est souvent leur silence et le fameux « je n’ai pas le temps ». Donc, je me suis dit que je n’avais pas grand-chose à donner, si ce n’est mon temps !

 

Quels enseignements avez-vous tiré de ces expériences au service des plus pauvres ?

Ces quatre dernières années, en Bretagne puis à Trappes, restent pour moi fondatrices : je veux me mettre au service des plus petits, de ceux auxquels nous ne faisons pas forcément attention et qui pourtant nous apprennent la simplicité et la joie de vivre. Depuis plusieurs années, j’ai ce chapitre de l’Évangile de St Matthieu en tête : « ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25) !
La figure de Don Bosco et son apostolat auprès des jeunes, notamment de ceux qui avaient décroché du système scolaire, de l’Église, ou qui se sentent exclus, m’inspirent particulièrement.
Cette expérience a renforcé en moi trois convictions. D’abord, toute vie est belle, même quand elle est blessée ! Je dirai même que nos blessures peuvent parfois nous « réveiller », nous révéler la beauté de notre vie et nous faire comprendre que nous ne sommes pas faits pour avoir une vie plate, quasi parfaite, mais une vie tournée vers les autres, en communion avec chacun ! Aussi, la beauté de la vie se manifeste éminemment quand on met notre vie au service des autres. Enfin, la joie de vivre ne repose pas sur le fait d’avoir une belle carrière, avec un travail bien rémunéré et une belle voiture mais bien sur la capacité de vivre ensemble, de se soutenir et surtout, notre capacité d’aimer les autres et de se laisser aimer.

Propos recueillis par Catherine Regnier

Géraud Patris de Breuil est envoyé au service de la paroisse de Montigny-Voisins pour l’année scolaire 2021-2022.

Lire le message du Pape François pour la 5ème Journée mondiale des pauvres : “des pauvres vous en aurez toujours avec vous” (MC14-7)