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Mourir dans la dignité : quels sont les enjeux pour accompagner la fin de vie ?


Retour sur les deux tables-rondes des 23 et 28 mars 2023. Une grande diversité de convictions s’exprime, y compris à l’intérieur du monde chrétien. Ce débat nous concerne car il touche à l’intime de nos vies. L’Eglise s’engage dans cette réflexion, notamment pour éveiller les consciences et donner à tous ceux qui le souhaitent des éléments pour discerner.

Les questions liées à la fin de vie engagent les fondements mêmes de notre société et soulèvent des enjeux cruciaux juridiques, éthiques, médicaux, philosophiques, anthropologiques, spirituels et théologiques. La problématique est d’actualité et devrait faire l’objet d’une nouvelle loi cette année. Face à la complexité du sujet, méfions-nous de nos certitudes comme étant des vérités absolues et de nos réactions simplistes.

Nos intervenants ont croisé leurs approches respectives pour nous offrir une meilleure appréhension des problématiques rencontrées.

Interventions des médecins

Les médecins ont clarifié le vocabulaire (euthanasie, suicide assisté, sédation …) et fait un point sur les différentes lois relatives à la fin de vie.

Les soins palliatifs

Table ronde du 28 mars à la Collégiale de Poissy – M. Emmanuel Brochier, Drs Bernadette Oberkampf et Dominique Michel, P. Matthieu Dupont.

Les soins palliatifs sont un droit depuis la loi Kouchner de 1999. Ils permettent une rencontre ; un lien se crée or la vie est un lien : c’est l’alliance thérapeutique.

La médecine palliative est une médecine de l’écoute, interdisciplinaire et collégiale au sein de laquelle le savoir être est essentiel et supérieur au savoir-faire. C’est une médecine du questionnement, de l’incertitude et de l’humilité.

Soigner c’est soulager et prendre soin de la personne, pas uniquement du malade : «  Je ne suis pas qu’un corps qui souffre » ; « tant qu’il respire il vit. Il se nourrit je ne sais comment de la présence de ses proches ». Le toucher et le soin disent une relation interpersonnelle.

Des soins actifs y sont prodigués. Mais soigner n’est pas forcément guérir, ça peut-être accompagner jusqu’à la mort. On parle de préserver la qualité de vie et non de quantité.

Eviter l’acharnement thérapeutique

La loi Léonetti de 2005 qui interdit l’obstination déraisonnable puis la Loi Claeys-Léonetti de 2016, structurent l’accompagnement des médecins.

Elles expriment clairement la priorité à accorder aux souhaits du patient : la nomination d’une personne de confiance y concourt ; les directives anticipées – qui sont plutôt un « dialogue » – également. Elles se construisent d’ailleurs avec le médecin, il y a une logique. C’est l’humanité du collectif pour chercher ce qui est bon pour la personne sur son chemin en personnalisant au cas par cas.

Il existe deux sortes de sédation, la sédation proportionnée et la sédation profonde et continue. Dans le cas d’une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, la décision est collégiale et soumise à des conditions. Il n’y a aucune intention de tuer et le produit injecté n’est pas un produit létal comme c’est le cas en revanche dans l’euthanasie.

Le Pape Pie XII, en 1957, préconisait déjà de soulager les douleurs même si la vie pouvait s’en trouver raccourcie.

Euthanasie, suicide assisté, démarche palliative : le choix posé ne concerne pas seulement mes intérêts individuels mais s’élargit à des intérêts collectifs communs. Le suicide assisté exprimerait-il une forme de cynisme ? … car la société laisse la personne se donner la mort.

Interventions des philosophes

Les philosophes ont abordé les questions de liberté, d’autonomie et de dignité humaine.

L’absolutisation du concept de liberté peut conduire à des dérives

La notion d’individualisme est importante dans notre société où prime la liberté souveraine de l’individu.

L’ADMD (Association pour le droit à Mourir dans la Dignité) réclame une loi pour la liberté ultime, pour une mort moins douloureuse. La décision est souvent guidée par les émotions, avec une vision du monde très concrète qui caractérise notre mentalité contemporaine et qui soulève des contradictions.

La valeur de l’utilité est mise en avant

Nous sommes souvent incapables de voir une valeur qui appartiendrait aux choses en propre. C’est nous-mêmes qui attribuons la valeur aux choses. Nous leur dénions une valeur intrinsèque. L’importance de ma vie se qualifie-t-elle à l’aune de ce que je peux faire ou de ce que je suis ?

La dignité est intrinsèque à l’homme ; c’est une charge que l’on porte.

Il y a un enjeu éducatif à aborder la question de la souffrance

Personne n’apporte de solution miracle à la souffrance. Dit-on suffisamment aux jeunes que l’on vit comme on meurt (dureté, violence, maitrise des choses, individualisme) et que vivre c’est apprendre à mourir ?

Si philosopher c’est apprendre à mourir, apprendre à bien vivre est aussi apprendre à bien mourir.

Interventions des théologiens

Table ronde du 23 mars 2023 au Centre Jean XXIII du Chesnay – M. Florian Laguens, Père Yann Le Lay et Dr Anne de La Tour

Les théologiens ont traité du cheminement de la personne et des trois polarités qui structurent l’homme : homme/femme, corps/âme et individu/société. Ces polarités sont des appels à la communion.

Le chemin spirituel en fin de vie

La personne malade en fin de vie est invitée à emprunter un chemin spirituel qui est un chemin de libération, nécessitant du temps. Il s’agit d’initier un autre chemin de vie, de se préparer au passage c’est-à-dire de déposer et remettre sa vie pour aller au bout de sa vie mais pas de mourir, et enfin de préparer l’après. Notre destin ne s’achève pas ici-bas, l’après est déjà là pour les chrétiens. Les soins palliatifs créent le climat pour vivre ce temps.

La mort, comme passage au ciel est un moment important de notre vie. La personne mourante est marquée par l’affaiblissement mais l’Esprit lui continue sa trajectoire.

La personne a deux dimensions : corps/esprit. L’accompagnement doit tenir compte de ces 2 dimensions.

Le regard de Dieu sur le malade révèle un homme

Deux questions affleurent : Où es-tu ? Où es ton frère ? L’attention à l’autre est primordiale.

Le livre de la Genèse nous évoque Adam et Eve mais également Cain. Le peuple a été libéré de l’esclavage et Dieu lui donne des balises pour vivre en société : les 10 commandements comme programme minimal pour vivre ensemble une alliance avec lui dans la louange.

Le cadre permet d’être libre et rejoint les grands interdits qui sont là pour permettre la vie en société.

Nous sommes convoqués à construire une éthique de communion

Communion d’un peuple, communion au service de l’homme et au service des plus fragiles.

La protection due aux plus fragiles, aux personnes isolées, précaires, porteuses de handicap implique une vigilance accrue dans le prendre soin de ces publics.

Aider à mourir est-il un geste de fraternité ? Ne serait-ce pas plutôt d’accompagner et aimer jusqu’au bout qui serait signe de fraternité ? Quelle éthique de la vulnérabilité prônons-nous ? Accompagner la fragilité et la souffrance en restant à côté du patient rend notre société plus humaine.

A l’issue du temps de parole alloué à chaque intervenant s’est ouvert un temps d’échanges à partir des questions du public.

Anne Sudan
responsable de la Pastorale de la Santé

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